Vous venez de rater une mensualité de votre crédit immobilier. Votre cœur s’emballe à chaque fois que le téléphone sonne. Vous avez peur d’ouvrir votre boîte aux lettres.
Cette situation, vous ne l’aviez pas vue venir. Un licenciement économique, un divorce qui traîne, une maladie qui vous cloue au lit pendant des mois, ou simplement l’inflation qui grignote votre budget mois après mois jusqu’à ce que vous n’arriviez plus à joindre les deux bouts.
Les chiffres le confirment : vous n’êtes pas seul.
En 2024, 0,53% des crédits immobiliers en cours ont basculé en situation de défaut de paiement, contre 0,43% en 2023. C’est une hausse de 23% en un an. Concrètement, cela représente environ 1 crédit sur 200.
La part des prêts classés comme douteux, c’est-à-dire impayés depuis plus de trois mois ou engagés dans des procédures judiciaires, a grimpé à 1,1% fin 2024. Le montant moyen des prêts concernés s’élève à 183 354 euros.
Derrière ces statistiques, il y a des familles comme la vôtre. Des mères seules qui se battent pour garder un toit au-dessus de la tête de leurs enfants. Des couples qui ont tout misé sur leur maison et qui voient leur vie s’effondrer. Des trentenaires ou des quadras qui découvrent que les accidents de vie, ça n’arrive pas qu’aux autres.
On vous explique sans langue de bois ce qui va vraiment se passer, étape par étape, avec des délais précis.. Et surtout, on vous livre les solutions concrètes selon votre situation, avec les contacts directs des organismes qui peuvent vous aider.
Défaut de paiement du crédit immobilier : de quoi parle-t-on exactement ?
Un défaut de paiement, ce n’est pas la même chose qu’un simple retard. Concrètement, on parle de défaut de paiement lorsque vous ne réglez pas vos mensualités de crédit immobilier pendant plusieurs mois consécutifs. Un oubli ponctuel ou un léger décalage de quelques jours, ce n’est pas ce qui va déclencher une procédure de saisie immobilière.
La réalité, c’est que la plupart des banques ne déclenchent pas la procédure contentieuse dès le premier impayé. Elles attendent généralement trois mensualités impayées avant d’enclencher les démarches sérieuses. C’est ce que confirment les professionnels du secteur et les témoignages que nous avons recueillis.
Votre contrat de prêt mentionne d’ailleurs une clause de déchéance du terme qui précise les conditions dans lesquelles la banque peut exiger le remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû.
Ce que personne ne vous dit, c’est que la durée moyenne entre le premier impayé et une éventuelle vente forcée de votre bien se situe entre 12 et 18 mois. Vous avez donc du temps pour agir. Pas des années, mais largement assez pour mettre en place une solution si vous vous y prenez bien.
Les catégories d’emprunteurs touchées par les défauts de paiement sont variées. Les primo-accédants, souvent avec des budgets serrés dès le départ, figurent parmi les plus fragiles.
Les investisseurs locatifs, confrontés à des loyers impayés ou à des vacances locatives prolongées, rencontrent également des difficultés. Mais la hausse des défauts touche aussi des profils qu’on pensait solides : des cadres en CDI victimes de restructurations, des couples avec de bons revenus rattrapés par l’inflation et l’augmentation des charges.
Les vraies conséquences d’un défaut de paiement
Les conséquences immédiates : les trois premiers mois
Les premières semaines après un impayé, les conséquences restent limitées mais les pénalités commencent à s’accumuler. Chaque mensualité non réglée génère des frais de retard qui oscillent généralement entre 2% et 3% du montant impayé. Prenons un exemple concret pour que vous visualisiez bien l’impact financier.
Sur un prêt de 250 000 euros avec des mensualités de 1 200 euros, un mois d’impayé vous coûte environ 1 200 euros plus 30 euros de pénalités. Trois mois d’impayés représentent 3 600 euros de mensualités non réglées auxquels s’ajoutent environ 100 euros de pénalités. Ce n’est pas encore catastrophique, mais la dette augmente vite.
Pendant cette période, vous recevrez des lettres de relance simples de votre banque. Votre conseiller vous appellera probablement pour comprendre votre situation. C’est le moment où tout peut encore se régler facilement.
La banque ne vous a pas encore inscrit au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le fameux FICP. Vous pouvez encore négocier sereinement.
Sophie, 29 ans, mariée et mère de deux garçons de six et deux ans, a vécu cette situation en 2019 après la construction de sa maison.
Entre les taxes d’aménagement et archéologiques imprévues et la perte d’emploi de son épouse, le couple n’a pas pu honorer plusieurs mensualités. Sophie raconte : « La banque était vraiment dur à joindre dès qu’il y avait un problème. On essayait de les contacter mais personne ne répondait. Pendant ce temps, les frais s’accumulaient. En quelques mois, on s’est retrouvés avec 12 000 euros d’arriérés. »
Les conséquences à moyen terme : de trois à six mois
Passé le cap des trois mois, les choses deviennent plus sérieuses. Dès deux mensualités consécutives impayées, la banque peut vous inscrire au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Cette inscription au FICP dure cinq ans maximum ou jusqu’au remboursement complet de votre dette si cela intervient avant. Concrètement, cela signifie que vous ne pourrez plus emprunter d’argent, que vous aurez des difficultés pour louer un logement et que votre carte bancaire sera probablement limitée.
C’est également à ce stade que la banque peut activer la clause de déchéance du terme inscrite dans votre contrat de prêt. Cette clause permet à l’établissement bancaire d’exiger le remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû.
Sur un prêt où il reste 200 000 euros à rembourser, la banque peut soudainement vous réclamer 200 000 euros plus les pénalités et les intérêts de retard. Une situation qui semble insurmontable.
Une jurisprudence récente apporte toutefois une lueur d’espoir. Un couple en défaut de paiement avait une clause contractuelle lui laissant seulement huit jours pour régulariser sa situation après réception d’une mise en demeure.
Le juge a déclaré ce délai non raisonnable et a constaté un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs. La déchéance du terme a été annulée. Cette décision rappelle que la banque doit respecter des délais suffisants et ne peut pas vous mettre devant le fait accompli du jour au lendemain.
Thomas, confronté à un problème de trésorerie en avril 2023, a vécu cette situation. Sur son prêt de 141 000 euros avec des mensualités de 952 euros par mois, il s’est retrouvé à devoir 14 277 euros après trois mois d’impayés, découvert bancaire compris. La banque lui a envoyé une lettre de déchéance du terme lui donnant huit jours pour rembourser la totalité. Thomas explique : « Je pouvais rembourser sous trois mois mais la banque ne me donnait que huit jours. C’était impossible. J’ai dû saisir le médiateur bancaire pour négocier un délai plus raisonnable. »
Les conséquences à long terme : de six à dix-huit mois
Si aucune solution n’a été trouvée après six mois, la banque fait intervenir un huissier de justice. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’huissier n’est pas là uniquement pour saisir votre bien. Son premier rôle est celui d’intermédiaire entre vous et la banque. Il va tenter de faciliter une négociation à l’amiable. C’est seulement si ces négociations échouent qu’il entamera les démarches officielles. Notez que tous les frais liés à l’intervention de l’huissier seront à votre charge et viendront s’ajouter à votre dette.
La procédure judiciaire se déroule en cinq étapes bien précises. La première étape est la sommation de paiement. Vous recevez une lettre recommandée de votre banque, transmise par l’huissier, exigeant le paiement des sommes dues.
Vous disposez alors d’exactement 30 jours calendaires à partir de la réception de cette lettre pour agir. Ce délai est crucial. Vous pouvez demander à l’huissier de négocier un réaménagement des paiements, proposer un étalement de la dette ou décider de vendre votre bien à l’amiable.
Si vous ne répondez pas ou si vous n’effectuez aucune démarche pour rembourser pendant ces 30 jours, l’huissier passe à l’étape suivante : le commandement de payer valant saisie.
Ce document vous donne huit jours pour régler le montant de la créance, plus tous les frais et les intérêts du crédit ainsi que les intérêts moratoires. Le commandement contient également l’ordre d’expulser les personnes résidant dans le bien saisi, même si cette mesure n’est pas systématique.
Selon les cas, vous pouvez rester dans le logement ou continuer à le louer, mais vous ne pouvez pas utiliser les loyers perçus. Vous n’avez plus le droit de vendre ou de donner le bien jusqu’à l’audience d’orientation.
Dans les deux mois qui suivent la publication du commandement au service de publicité foncière, vous recevez une assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire.
L’audience d’orientation a lieu un à trois mois après que l’acte vous soit parvenu. C’est lors de cette audience que le juge de l’exécution décide de la suite de la procédure. Il peut ordonner la fin de la procédure de saisie, de manière définitive ou temporaire. Il peut autoriser une vente amiable. Ou il peut prononcer une vente forcée. Pendant l’audience, vous avez le droit de contester la saisie de votre maison ou de votre appartement.
Si le juge autorise une vente amiable, il détermine le prix de vente minimum de votre bien immobilier et fixe la date de l’audience de rappel durant laquelle vous devez justifier d’un compromis de vente.
Vous disposez généralement de quatre mois maximum pour trouver un acheteur. Si vous n’avez toujours pas vendu votre logement trois mois après l’audience de rappel, le juge ordonne alors la vente forcée.
Notez que la banque peut demander l’arrêt de la procédure de vente amiable et la mise en route de la vente forcée avant même l’audience de rappel si elle estime que la vente amiable n’aboutira pas.
La vente forcée se fait aux enchères au palais de justice. Le juge fixe la date de l’audience d’adjudication et les règles de visite du logement. Avant l’audience, la banque informe de la tenue de la vente aux enchères par divers moyens : journaux d’annonces légales, affichages publics.
Ces démarches de publicité sont effectuées aux frais de l’emprunteur, qui viennent donc encore alourdir la dette. C’est l’établissement prêteur qui fixe le prix de la mise à prix. Si vous estimez ce montant trop bas, vous pouvez saisir le juge pour le contester.
L’audience d’adjudication se passe en présence du juge de l’exécution et des avocats des acheteurs potentiels chargés de faire les enchères. La dernière proposition de prix détermine l’acheteur.
Une surenchère reste possible dans les dix jours qui suivent la vente, mais elle doit représenter au moins 10% du prix principal de la vente et être déposée sous forme d’acte auprès du greffe du juge d’exécution.
Si aucune enchère n’est faite lors de l’audience, la banque créancière est déclarée adjudicataire et devient donc propriétaire du bien au coût de la mise à prix. Jusqu’à l’ouverture des enchères, vous pouvez toujours entamer des négociations avec la banque pour une vente de gré à gré.
Ce qui se passe vraiment après la vente : les quatre scénarios
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la banque ne récupère pas automatiquement 100% de votre maison dès le premier impayé. Ce mythe a la vie dure mais il est complètement faux. Après une vente aux enchères, quatre scénarios sont possibles selon le prix obtenu.
Premier scénario : aucun enchérisseur ne se manifeste ou le prix de réserve n’est pas atteint. Dans ce cas, on baisse le prix et on recommence la procédure quelques semaines plus tard. C’est rare qu’il n’y ait jamais personne, car les marchands de biens flairent généralement les bonnes affaires.
Deuxième scénario : la vente se fait à un prix inférieur à votre créance. Imaginons que vous deviez encore 200 000 euros à la banque et que votre maison se vende 180 000 euros aux enchères. La banque se rembourse partiellement avec les 180 000 euros et vous devez payer la différence, soit 20 000 euros. Cette dette peut éventuellement être échelonnée, mais elle ne disparaît pas. Vous perdez votre maison et vous restez endetté.
Troisième scénario : la vente se fait exactement au prix de la créance. Si vous devez 200 000 euros et que la maison se vend 200 000 euros, la banque se rembourse intégralement et le dossier est clos. Vous perdez votre maison mais vous n’avez plus de dette.
Quatrième scénario, et c’est celui que beaucoup ignorent : la vente se fait au-dessus de la créance. Si vous devez 150 000 euros et que votre maison se vend 180 000 euros, la banque perçoit les 150 000 euros qui lui sont dus et le surplus de 30 000 euros vous est restitué. Vous perdez votre maison mais vous récupérez de l’argent. Ce scénario n’est pas si rare, surtout si vous aviez un bon apport de départ et que vous avez déjà remboursé une partie significative de votre prêt.
Combien de temps avant de perdre ma maison ?
Pour y voir plus clair, voici exactement ce qui se passe, mois après mois, entre le premier impayé et une éventuelle saisie. Cette timeline vous permet de savoir où vous en êtes et combien de temps il vous reste pour agir.
Au jour zéro, vous ratez votre première mensualité. Votre banque vous envoie une relance simple par courrier ou par email. À ce stade, vous devez contacter votre banque immédiatement pour expliquer votre situation. Plus vous êtes transparent et proactif, meilleures sont vos chances de trouver un arrangement.
Après 30 jours, vous ratez votre deuxième mensualité. La banque vous envoie une lettre recommandée plus formelle. C’est le moment d’activer votre assurance emprunteur si vous avez souscrit des garanties couvrant votre situation comme la perte d’emploi ou l’incapacité de travail.
Après 60 jours, vous ratez votre troisième mensualité. L’inscription au FICP devient possible pour la banque. Vous devez absolument négocier un rééchelonnement de votre dette ou une suspension temporaire de vos paiements. C’est votre dernière chance de régler la situation à l’amiable avant que les choses ne se compliquent vraiment.
Après 90 jours, la banque peut prononcer la déchéance du terme et faire intervenir un huissier. C’est le moment de saisir le médiateur bancaire si votre établissement refuse de négocier ou vous propose des conditions inacceptables.
Après 120 jours, vous recevez la sommation de paiement. Vous avez 30 jours pour régulariser votre situation. Vous pouvez demander une vente amiable de votre bien ou saisir le tribunal pour obtenir un délai de grâce.
Après 150 jours, si vous n’avez pas répondu à la sommation, vous recevez le commandement de payer valant saisie. Vous avez huit jours pour tout régler. C’est véritablement le moment d’urgence absolue. Vous devez déposer un dossier de surendettement à la Banque de France si vous ne l’avez pas déjà fait.
Entre 180 et 360 jours, la procédure judiciaire se met en place avec l’assignation à comparaître puis l’audience d’orientation. Vous pouvez encore contester la saisie devant le juge et présenter votre situation. Le juge peut vous accorder une vente amiable ou prononcer une vente forcée.
La durée totale moyenne entre le premier impayé et la vente effective de votre bien se situe entre 12 et 18 mois. C’est long. C’est stressant. Mais c’est aussi suffisamment long pour mettre en place des solutions si vous agissez vite et que vous vous faites accompagner.
Solution numéro un : contacter votre banque dans les 24 heures
La première chose à faire, et c’est aussi la plus importante, c’est de contacter votre banque dès le premier impayé. Pas dans une semaine. Pas quand vous aurez trouvé une solution. Maintenant. Dans les 24 heures qui suivent le moment où vous réalisez que vous ne pourrez pas payer.
Pourquoi c’est si important? Parce que la banque préfère toujours une solution amiable à une procédure judiciaire longue et coûteuse. Les établissements bancaires ne veulent pas devenir propriétaires de votre maison. Ils veulent récupérer leur argent. Plus vous attendez avant de les contacter, moins vous avez de marges de manœuvre et plus la méfiance s’installe. Un emprunteur qui prévient sa banque dès les premières difficultés et qui propose un plan de remboursement réaliste a beaucoup plus de chances d’obtenir un arrangement qu’un emprunteur qui disparaît pendant des mois.
Concrètement, contactez votre conseiller par téléphone et envoyez également un courrier recommandé avec accusé de réception. Ce double contact montre votre bonne foi et vous permet de garder une trace écrite de vos démarches. Préparez votre dossier avant l’entretien : rassemblez vos justificatifs de situation comme votre lettre de licenciement, votre certificat médical, votre jugement de divorce ou vos relevés bancaires montrant la baisse de vos revenus. Plus vous êtes transparent sur votre situation, plus la banque pourra vous proposer des solutions adaptées.
Proposez un plan de remboursement réaliste basé sur vos revenus actuels. Vous pouvez demander une réduction temporaire de vos mensualités, un report de plusieurs échéances ou un rééchelonnement de votre dette sur une durée plus longue. La banque n’est pas obligée d’accepter, mais elle étudiera sérieusement votre demande si elle est cohérente avec votre situation financière.
Solution numéro deux : activer votre assurance emprunteur
Votre assurance emprunteur peut vous sauver la mise, mais encore faut-il savoir quelles garanties vous avez souscrites et comment les activer. L’assurance de prêt immobilier couvre généralement le décès et la perte totale et irréversible d’autonomie en garanties de base. Mais d’autres options ont pu être ajoutées lors de la souscription : la garantie perte d’emploi, la garantie incapacité totale de travail et la garantie invalidité permanente totale ou partielle.
La garantie perte d’emploi est particulièrement intéressante pour les personnes en CDI qui se font licencier. Attention toutefois, cette garantie comporte des clauses restrictives. Elle ne fonctionne généralement que pour les licenciements, pas pour les fins de CDD, les démissions ou les ruptures conventionnelles. Une franchise de 90 à 180 jours s’applique souvent, ce qui signifie que l’assurance ne prend en charge vos mensualités qu’après ce délai. Enfin, vérifiez la quotité de prise en charge dans votre contrat : l’assurance peut couvrir 100% de vos mensualités ou seulement une partie selon ce que vous avez souscrit.
Les garanties incapacité de travail et invalidité fonctionnent en cas de maladie ou d’accident vous empêchant d’exercer votre activité professionnelle. Un certificat médical détaillé sera nécessaire pour déclencher la prise en charge. Là encore, une franchise s’applique généralement et la quotité de couverture varie selon les contrats.
Le point crucial, c’est de prévenir votre assureur au plus tôt. Dès le premier impayé, contactez votre compagnie d’assurance pour leur expliquer votre situation et leur demander si vos garanties peuvent s’appliquer. Constituez rapidement votre dossier avec tous les justificatifs nécessaires : attestation Pôle Emploi pour une perte d’emploi, certificats médicaux détaillés pour une incapacité de travail, jugement de divorce si c’est une séparation qui impacte vos revenus. Plus vite vous déclarez votre sinistre, plus vite l’assurance pourra prendre en charge tout ou partie de vos mensualités et vous éviterez ainsi de payer des pénalités pour mensualités impayées.
Solution numéro trois : demander un délai de grâce au tribunal
Le délai de grâce est une solution méconnue mais redoutablement efficace dans certaines situations. Il s’agit d’une mesure judiciaire qui vous permet de suspendre temporairement le remboursement de votre crédit immobilier, sans pénalités ni majorations, le temps de vous remettre financièrement sur pied.
Cette solution s’adresse aux personnes qui ont subi un accident de vie majeur comme un licenciement, une maladie grave, un divorce avec impact financier important ou tout autre événement qui a brutalement réduit leurs revenus. L’idée, c’est que vous pouvez rembourser votre prêt mais que vous avez besoin de temps pour retrouver une situation stable.
Le tribunal judiciaire peut vous accorder une suspension de vos remboursements pour une durée maximale de deux ans. Pendant ce délai de grâce, vous ne payez pas vos mensualités et aucune pénalité de retard ne vous est facturée. Les mensualités impayées du fait de la suspension ne vous seront pas réclamées en une seule fois à la fin du délai. Leur paiement peut être échelonné sur la durée restante de votre crédit ou être reporté à la fin du remboursement de votre prêt.
Pour demander un délai de grâce, vous devez saisir le juge des contentieux de la protection au sein du tribunal judiciaire dont dépend votre domicile. Vous pouvez faire cette démarche vous-même, sans avocat obligatoire. Préparez un dossier solide avec tous les justificatifs prouvant vos difficultés : vos trois dernières fiches de paie ou l’attestation de perte d’emploi, vos relevés bancaires des derniers mois, vos quittances de loyer ou taxe foncière, votre dernier avis d’imposition, le tableau d’amortissement de votre prêt immobilier et tous les documents attestant de l’accident de vie qui justifie votre demande.
Le délai de traitement de votre demande se situe entre deux et trois mois. Pendant l’examen de votre dossier, les poursuites de la banque sont généralement suspendues. C’est donc une solution qui vous permet de gagner du temps et de bloquer la procédure de saisie le temps que le juge statue.
Thomas, confronté à la lettre de déchéance du terme de sa banque lui donnant huit jours pour rembourser 14 277 euros, aurait pu utiliser cette solution. Avec un problème de trésorerie temporaire mais une capacité à rembourser sous trois mois, un délai de grâce lui aurait permis de suspendre ses échéances le temps de reconstituer son épargne, sans perdre sa maison ni devoir passer par un médiateur bancaire.
Solution numéro quatre : le dossier de surendettement
Le dossier de surendettement est souvent perçu comme la solution de la dernière chance, celle qu’on utilise quand tout le reste a échoué. C’est en partie vrai, mais c’est aussi une procédure qui peut vous sauver dans des situations désespérées. Si vous êtes dans l’impossibilité totale de rembourser vos dettes, que vous cumulez plusieurs crédits en cours en plus de votre crédit immobilier, ou que votre taux d’endettement dépasse les 50% de vos revenus, le dossier de surendettement est peut-être votre meilleure option.
Le principal avantage, c’est le blocage immédiat de toutes les poursuites dès le dépôt de votre dossier. Cela inclut la procédure de saisie immobilière si elle a été engagée par votre banque. Vous gagnez du temps pour que la commission de surendettement étudie votre situation et propose un plan de redressement. L’autre avantage majeur, c’est la protection de votre résidence principale. La commission fait tout son possible pour vous permettre de garder votre logement si c’est votre maison ou appartement principal.
La commission peut proposer deux types de solutions. Soit elle négocie avec vos créanciers un plan conventionnel de redressement qui réaménage vos dettes sur une durée plus longue, avec des mensualités adaptées à votre capacité de remboursement. Soit, si votre situation financière est irrémédiablement compromise et que la commission estime que vous ne pourrez jamais rembourser vos dettes, elle peut décider d’un effacement de vos dettes après la vente de vos biens immobiliers, de vos véhicules et le solde de toute votre épargne. Dans tous les cas, vous serez inscrit au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers pendant toute la durée du plan de redressement.
Pour déposer un dossier de surendettement, rendez-vous sur le site de la Banque de France à l’adresse particuliers.banque-france.fr/surendettement. La procédure est entièrement gratuite et peut se faire 100% en ligne. Vous devrez fournir de nombreux documents : vos pièces d’identité, vos relevés bancaires des trois derniers mois, une estimation de vos biens immobiliers et vos cartes grises pour les véhicules, vos trois dernières fiches de salaire ou justificatifs de ressources, votre dernier avis d’imposition et vos quittances de loyer ou taxe foncière, ainsi que tous les tableaux d’amortissement de vos prêts en cours.
Le délai pour l’examen de la recevabilité de votre dossier est de deux à trois mois. Si votre dossier est accepté, la commission vous proposera un plan de redressement trois à six mois après le dépôt. Pendant toute cette période, les poursuites sont bloquées et vous êtes protégé.
Sophie et son mari ont utilisé cette solution après avoir accumulé 12 000 euros d’arriérés sur leur crédit immobilier. Sophie raconte : « Après des mois d’impasse avec notre banque qui ne répondait pas à nos demandes, on a déposé notre dossier de surendettement en juillet 2019. La banque a immédiatement arrêté les poursuites. Ils avaient même commencé à parler de saisie. En octobre, la commission nous a proposé un rééchelonnement de notre dette sur sept ans avec des mensualités qu’on pouvait payer. On a pu garder notre maison et recommencer sur de bonnes bases. »
Solution numéro cinq : la renégociation ou le rachat de crédit
Si votre situation financière s’est dégradée mais que vous avez encore des revenus suffisants pour rembourser un crédit moins élevé, la renégociation avec votre banque actuelle ou le rachat de crédit par un autre établissement peut être une solution intéressante.
La renégociation consiste à demander à votre banque de modifier les conditions de votre prêt. L’option la plus courante est l’allongement de la durée de votre crédit. Si vous remboursez actuellement sur 20 ans, passer à 25 ans peut réduire vos mensualités d’environ 20%. Sur un prêt de 200 000 euros à 2% sur 20 ans, vous payez environ 1 010 euros par mois. En allongeant à 25 ans, vos mensualités tombent à environ 850 euros. Vous économisez 160 euros par mois, ce qui peut faire toute la différence quand votre budget est serré. L’inconvénient, c’est que le coût total de votre crédit augmente significativement puisque vous payez des intérêts pendant cinq années supplémentaires.
Le rachat de crédit, aussi appelé regroupement de crédits, consiste à faire racheter tous vos crédits en cours par un nouvel établissement bancaire. Ce nouvel établissement rembourse vos créanciers actuels et vous propose un crédit unique avec une mensualité plus faible, généralement grâce à une durée plus longue. Cette solution est particulièrement intéressante si vous cumulez un crédit immobilier et plusieurs crédits à la consommation. En regroupant tout, vous simplifiez votre gestion et vous réduisez votre mensualité globale.
Attention toutefois, le rachat de crédit implique des frais importants. Vous devrez payer les frais de dossier du nouvel établissement, les indemnités de remboursement anticipé sur votre crédit actuel si votre contrat en prévoit, et les frais de mainlevée d’hypothèque si votre prêt était garanti par une hypothèque. Tous ces frais peuvent représenter plusieurs milliers d’euros. Il est donc essentiel de bien calculer la rentabilité de l’opération avant de vous lancer.
Pour que ces solutions fonctionnent, vous devez respecter plusieurs conditions. Vous ne devez pas être fiché au FICP, car aucun établissement bancaire ne prêtera à une personne inscrite au fichier des incidents de paiement. Vous devez avoir des revenus suffisants et stables pour rembourser le nouveau crédit. Enfin, pour un rachat de crédit immobilier, vous devez être propriétaire et le capital restant dû doit être inférieur à la valeur actuelle de votre bien.
Solution numéro six : la vente amiable comme dernier recours
Parfois, la situation est tellement compromise que la seule solution réaliste est de vendre votre bien immobilier. C’est une décision déchirante, mais si vos revenus ne vous permettront plus jamais de rembourser votre crédit et que vous voulez éviter une vente forcée aux enchères, la vente amiable est votre meilleure option.
La vente amiable présente plusieurs avantages par rapport à une vente aux enchères. Le prix de vente est généralement 10 à 15% plus élevé car vous vendez dans des conditions normales, sans la pression d’une vente judiciaire qui fait fuir certains acheteurs. Vous gardez le contrôle de la transaction : vous choisissez votre acheteur, vous négociez le prix et vous gérez le calendrier. Enfin, vous évitez tous les frais d’huissier et de procédure judiciaire qui auraient grevé encore plus votre dette.
Pour procéder à une vente amiable alors qu’une procédure est déjà engagée, vous devez demander au juge lors de l’audience d’orientation de vous accorder un délai pour vendre vous-même. Ce délai est généralement de quatre mois maximum. Les juges accordent assez facilement cette demande car ils savent qu’une vente amiable rapportera plus d’argent et permettra de mieux rembourser les créanciers.
Faites estimer votre bien par plusieurs agences immobilières pour obtenir un prix de vente réaliste. Ne surévaluez pas votre bien par attachement émotionnel : vous devez vendre vite et à un prix de marché. Soyez transparent avec votre agent immobilier ou les acheteurs potentiels sur le fait que c’est une vente sous contrainte. Certains acheteurs cherchent spécifiquement ce type de biens car ils savent que vous serez plus enclin à négocier.
Le calcul à faire est simple mais essentiel. Si le prix de vente est supérieur à votre dette envers la banque, vous récupérez la différence. Sur une vente à 250 000 euros avec une dette de 200 000 euros, vous récupérez 50 000 euros qui vous permettront de repartir sur de nouvelles bases, peut-être en louant un logement moins cher ou en vous installant dans une région où l’immobilier est plus abordable. Si le prix de vente est inférieur à votre dette, vous devrez théoriquement payer le reste, mais vous pouvez négocier avec la banque un échelonnement de cette dette résiduelle ou même un abandon partiel de créance dans certains cas.
Les organismes qui peuvent vous aider concrètement
Face au défaut de paiement, vous n’êtes pas seul. Plusieurs organismes publics et gratuits existent pour vous accompagner dans vos démarches et vous aider à trouver des solutions.
La Banque de France, à travers sa commission de surendettement, est votre premier interlocuteur si vous envisagez un dossier de surendettement.
Vous pouvez les joindre au numéro vert 0 811 901 801 qui vous coûtera le prix d’un appel local. Leur site internet particuliers.banque-france.fr/surendettement vous permet de déposer votre dossier entièrement en ligne. Le rôle de la commission est d’examiner votre dossier, de proposer des plans de redressement et de bloquer les poursuites pendant l’instruction de votre demande.
L’ADIL, l’Agence Départementale d’Information sur le Logement, est un organisme présent dans chaque département qui offre des conseils juridiques gratuits sur toutes les questions liées au logement. Vous pouvez les contacter au numéro national 0 820 16 75 00 ou trouver l’ADIL la plus proche de chez vous sur le site anil.org. Leurs conseillers peuvent vous expliquer vos droits, vous aider à comprendre les courriers de votre banque, vous accompagner dans la constitution de vos dossiers et vous aider à négocier avec votre établissement bancaire.
Le médiateur de votre banque est une voie de recours gratuite souvent sous-estimée. Chaque établissement bancaire a l’obligation légale de mettre à disposition de ses clients un médiateur indépendant. Vous trouverez ses coordonnées sur le site web de votre banque. La saisine du médiateur se fait par courrier ou par email et ne vous coûte rien. Le médiateur a deux mois maximum pour vous répondre. Son rôle est de débloquer les situations conflictuelles entre vous et votre banque, de trouver des arrangements lorsque les négociations directes ont échoué et de s’assurer que votre établissement respecte ses obligations légales et contractuelles.
Le CCAS, le Centre Communal d’Action Sociale, est présent dans votre mairie. Ses assistantes sociales peuvent vous aider à constituer votre dossier de surendettement, vous orienter vers les bons interlocuteurs selon votre situation et même vous accorder des aides financières ponctuelles dans certains cas pour vous aider à passer un cap difficile.
Enfin, les Points Justice, dont vous trouverez l’annuaire sur justice.fr/annuaires-contacts, offrent des services de conseil juridique gratuit. Leurs juristes peuvent vous expliquer la procédure judiciaire en cours, vous aider à préparer votre défense si vous devez comparaître devant le tribunal et vous assister dans la saisie du juge si vous demandez un délai de grâce.
Vos droits face à la banque : ce qu’elle peut et ne peut pas faire
Il est important de connaître vos droits pour ne pas vous laisser impressionner par certaines pratiques et pour réagir de manière appropriée à chaque étape de la procédure.
Votre banque peut légalement exiger le remboursement immédiat de la totalité de votre prêt après trois mensualités impayées si votre contrat contient une clause de déchéance du terme. Elle peut vous inscrire au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers dès deux mensualités consécutives impayées. Elle peut demander la saisie de votre bien immobilier, mais uniquement via une procédure judiciaire avec intervention d’un huissier et décision d’un juge. Elle peut également facturer des pénalités de retard, qui sont toutefois plafonnées légalement à 8% du capital restant dû.
En revanche, votre banque ne peut absolument pas saisir votre bien sans décision de justice. Elle ne peut pas vous expulser de votre logement sans jugement. Elle ne peut pas vous prendre votre maison dès le premier impayé, malgré ce que certaines personnes mal informées pourraient vous dire. Elle ne peut pas non plus appliquer des délais manifestement trop courts ou déraisonnables, comme le rappelle la jurisprudence citée plus haut sur le délai de huit jours jugé insuffisant.
Vous disposez de droits importants tout au long de la procédure. Vous avez le droit de contester chaque étape devant le tribunal, de la sommation de paiement jusqu’à la vente aux enchères. Si vous êtes en situation de surendettement, votre résidence principale bénéficie d’une protection particulière et la commission fera tout son possible pour vous permettre de la conserver. En cas de licenciement, vous avez le droit de demander un délai de grâce au tribunal judiciaire qui peut suspendre vos remboursements jusqu’à deux ans. Enfin, vous pouvez demander une vente amiable jusqu’à l’audience d’adjudication, c’est-à-dire jusqu’au moment même de la vente aux enchères.
Ne restez pas seul face au problème
Le défaut de paiement sur un crédit immobilier touche aujourd’hui 0,53% des emprunteurs en France, soit environ un crédit sur 200. Ce chiffre a augmenté de 23% entre 2023 et 2024, preuve que l’inflation et la hausse des charges mettent de plus en plus de ménages en difficulté. Derrière ces statistiques, il y a des milliers de familles comme la vôtre qui se battent pour garder leur toit.
La bonne nouvelle, c’est que vous disposez de 12 à 18 mois en moyenne entre le premier impayé et une éventuelle saisie de votre bien. C’est long. C’est suffisant pour mettre en place une solution si vous agissez vite et que vous vous faites accompagner. Les six solutions que nous avons détaillées dans cet article, du contact avec votre banque jusqu’au dossier de surendettement en passant par l’assurance emprunteur et le délai de grâce, offrent des réponses adaptées à presque toutes les situations.
Des organismes gratuits et compétents existent pour vous épauler : la Banque de France, l’ADIL, le médiateur bancaire, le CCAS et les Points Justice. Vous n’avez pas à affronter seul cette épreuve. Des milliers de personnes passent chaque année par ces services et trouvent des solutions.
Les témoignages de Sophie et Thomas le montrent : même dans les situations qui semblent désespérées, des issues existent. Sophie et son mari, avec 12 000 euros d’arriérés et une banque qui ne répondait plus, ont pu garder leur maison grâce à un dossier de surendettement. Thomas, coincé par une lettre de déchéance du terme lui donnant huit jours pour rembourser 14 277 euros, a réussi à négocier un délai raisonnable avec l’aide du médiateur bancaire.
Si vous êtes en défaut de paiement ou si vous sentez que vous allez bientôt l’être, contactez votre banque dès aujourd’hui. Expliquez votre situation. Proposez un plan. Si votre banque ne répond pas ou refuse de négocier, appelez l’ADIL au 0 820 16 75 00 ou la Banque de France au 0 811 901 801. Chaque jour compte, mais chaque jour peut aussi être le début de la solution. Un défaut de paiement n’est pas une fatalité. C’est un accident de parcours dont on peut se relever avec les bons outils et le bon accompagnement.

